Angoulême est une vieille ville, bâtie au sommet d'une roche en pain de sucre qui domine les prairies où se roule la Charente.
Ce rocher tient vers le Périgord à une longue colline qu'il termine brusquement sur la route de Paris à Bordeaux, en formant une sorte de promontoire dessiné par trois pittoresques vallées.
L'immobilité du plateau
L'importance qu'avait cette ville au temps des guerres religieuses est attestée par ses remparts, par ses portes et par les restes d'une fortification assise sur le piton du rocher.
Sa situation en faisait jadis un point stratégique également précieux aux catholiques et aux calvinistes, mais sa force autrefois constitue sa faiblesse aujourd'hui;
car en l'empêchant de s'étaler sur la Charente, ses remparts et la pente trop rapide du rocher l'ont condamnée à la plus funeste immobilité.
Le vieux moulin sur la Charente, au pied du rocher
Vers le temps où cette histoire s'y passa (les années 1820), le gouvernement essayait de pousser la ville vers le Périgord en bâtissant le long de la colline le palais de la préfecture, une école de marine, des établissements militaires, en préparant des routes.
Mais le commerce avait pris les devants ailleurs.
Le faubourg de l'Houmeau
Depuis longtemps le bourg de l'Houmeau s'était agrandi comme une couche de champignons aux pieds du rocher, sur les bords de la rivière, le long de laquelle passe la grande route de Paris à Bordeaux.
Personne n'ignore la célébrité des papeteries d'Angoulême, qui, depuis trois siècles, s'étaient forcément établies sur la Charente et sur ses affluents où elles trouvèrent des chutes d'eau.
Honoré de Balzac, Illusions perdues, 1835-1843
Evolution du nombre d'habitants dans le quartier de Saint-Cybard
| 1846 |
1896 |
1911 |
| 1172 |
1730 |
3411 |
A partir de 1896, est mis en place un recensement quinquennal.
Jardins ouvriers
En Angleterre, en Allemagne, puis en France, dès les années 1820, toutes les villes voient se multiplier les jardins ouvriers.
Les ouvriers papetiers d'Angoulême disposent de jardins collectifs ou privatifs pour cultiver un potager. Partout, nous rencontrons l’alliance des travaux de l’atelier et des tâches domestiques.
Il n'est guère de famille qui ne cultive au moins un jardin, parfois loué, en même temps que leur logement, par leurs patrons.
Le bienfait moral de cette industrie agricole, qui crée une diversion aux travaux de l’atelier, et en même temps attache l’ouvrier au sol, est manifeste.
Des maisonnettes sont installées autour des usines à la campagne. Certains logements sont même livrés à titre gratuit.
Daniel Touzaud, 1884
Chronique de Saint-Cybard
10 août 1905
En 1791, le moulin de l'abbaye de Saint-Cybard est transformé en fabrique à papier. Le faubourg n'est alors guère développé, les maisons peu nombreuses.
C'est pour cette raison qu'on y installe le nouveau cimetière communal sur le lieu-dit Bardines. A partir de 1837, Saint-Cybard profite du dynamisme du port de l'Houmeau: une fonderie, utilisant de la houille arrivée d'Angleterre, s'installe sur l'île de Saint-Cybard.
Celle-ci est reprise au début des années 1830 par Antoine Lacroix puis par ses fils.
Le quartier Saint-Cybard s'industrialise et s'urbanise des deux côtés du fleuve Charente, la rive gauche en premier, puis la rive droite. C'est ici, au milieu des chais, que s'installe l'entreprise Weiller à la fin des années 1840: elle fournit les pièces dont a besoin la fabrique de papier pour se développer.
Plans Angoulême ( 1650 ---> 1914 )
Dans le voisinage de la rive droite, d'autres usines sollicitent les travailleurs: la poudrerie de Basseau et la fonderie d'Etat de Ruelle.
Les maisons et autres constructions poussent alors comme des champignons le long de la rue de Saintes pour les quelques milliers d'ouvriers qui vivent du papier.
Tandis que Le Nil, marque de papier à cigarettes déposée en 1887, devient le toponyme utilisé couramment à Angoulême pour désigner la partie rive gauche du faubourg,
aujourd'hui, l'agrandissement de l'usine Lacroix au niveau de la rue de Saintes fait davantage encore de Saint Cybard, l'âme d'Angoulême.
