C’est à la suite de la vaste enquête du docteur Villermé, décrivant la situation lamentable des enfants employés dans l’industrie textile,
que le gouvernement de la Monarchie de Juillet – à l’exemple récent de l’Angleterre et de la Prusse – a fait voter la loi du 22 mars 1841.
Le temps, c'est de l'argent
Cette loi représente la première intervention de l’Etat en matière de législation du travail, du moins en ce qui concerne les enfants:
- - fixation d’un âge minimum d’entrée à l’usine : 8 ans;
- - limitation des horaires journaliers;
- - interdiction du travail de nuit;
- - obligation du repos hebdomadaire.
Pour beaucoup d'entrepreneurs, il est encore admis qu’un enfant de 8 à 12 ans peut travailler 48 heures par semaine, et un enfant de 12 à 16 ans, 72 heures.
L'atelier dorure des papeteries Laroche-Joubert, 1913
Ainsi, l'un de leurs représentants assure: "L'habitude de l'ordre, de la discipline et du travail doit s'acquérir de bonne heure...
L'enfant entré à 8 ans dans l'atelier, façonné au travail, ayant acquis l'habitude de l'obéissance, arrivera à 10 ans plus capable de supporter la fatigue,
plus habile et plus instruit qu'un enfant du même âge, élevé jusque-là dans l'oisiveté."
Le travail, c'est la santé
Le nouvel outillage coûte cher : il importe donc d’amortir son prix dans les meilleures conditions. Son utilisation, avec la division du travail qu’elle comporte, n’exige pas une spécialisation très poussée;
et de toutes façons la formation professionnelle peut s’acquérir pratiquement sur le tas. La vapeur, dont les applications s’étendent, allège un grand nombre de travaux qui réclamaient auparavant une forte dépense physique: ce qui est précisément le cas dans l’industrie papetière ou textile.
Ainsi de nombreuses tâches peuvent être désormais confiées à des femmes et même à des enfants, non seulement sans inconvénient, mais encore avec profit, car on les paie moins cher.
René Planté
Grève étouffée dans l'oeuf
Samedi dernier, trois cents ouvriers du chemin de fer se rassemblèrent à Angoulême dans le but d'arrêter les travaux. M. Champvallier, procureur de la République, après avoir requis l'autorité militaire, se rendit sur le théâtre de la rébellion.
Une question de salaire avait occasionné ce soulèvement: les ouvriers réclamaient 25 centimes par heure. On criait: "A bas les entrepreneurs!". M. le procureur leur expliqua le grave délit qu'ils commettaient, et que, son devoir était de faire respecter la loi.
Ferme mais indulgent, ce discours produit sur eux une très vive impression.
Malheureusement, il fut cependant nécessaire de donner l'assaut. Huit arrestations ayant été faites, l'épouvante gagna le gros de la troupe; à sept heures tout était terminé.
J. Lefraise, 3 juillet 1852
Après les lois sur l'école de 1881-1882
Les lois de 1892 tendent à supprimer le travail de nuit et à limiter l'emploi d'enfants scolarisables.
La vie, c'est le papier
A Angoulême, dans les ateliers des papeteries, ceux qu'on appelle les "gamins de salle" côtoient les adultes dans des locaux étroits, encombrés et bruyants.
Il est difficile d'évacuer les gaz incommodes ou toxiques et les poussières des chiffons que l'on broie pour la pâte à papier.
La température en été est excessive et en hiver, elle est glaciale. Les organismes affaiblis sont particulièrement sensibles aux maladies. L'insécurité provoque régulièrement des accidents, parfois mortels.
Malgré la reconnaissance du droit de grève en 1864 puis du droit syndical en 1884 et les débuts d’une action ouvrière plus cohérente et plus vigoureuse, les structures figées du monde du travail ont du mal à bouger.
A Angoulême, comme dans le reste de la France, mais aussi en Angleterre et en Allemagne, les réformes se heurtent à bien des résistances, aux lois de la concurrence économique et à la politique des bas salaires qu’elles ont entraînée.
Face à ce court terme, il faut faire confiance au long terme.
Pour répondre aux besoins de formation des ouvriers, à l’initiative de la Chambre de Commerce et d’Industrie d’Angoulême, une Ecole départementale d’Apprentissage s'est ouverte à Sillac, sur la route de Bordeaux, en 1891 :
c'est l'acte de naissance de l’enseignement technique en Charente; il est non seulement professionnel mais aussi général.
Pour l'heure, le patron cumule les fonctions de propriétaire, de fabricant, d'industriel, de commerçant et d'ingénieur tandis que les progrès techniques rendent le fonctionnement des machines de plus en plus complexe.
